lundi 16 avril 2012

VIDEO : la micro-influence digitale des jeunes africains

Vous trouverez ci-après la vidéo, le texte et le support de ma présentation lors de l'évènement organisé le 14 avril 2012 par l'association Versatile.

Vidéo



Présentation


Texte

Je vais vous parler de la micro-influence digitale des jeunes africains. Je parle de jeunes africains, car à travers quelques exemples glanés sur le continent, je vais tenter de démontrer quels sont les enjeux d’une participation plus importante des jeunes camerounais, particulièrement ceux de la diaspora, sur la toile. Surtout, je proposerai quelques pistes de réflexion pour rendre cette participation efficace.

Je vais d’abord m’intéresser à ce qui est devenu une affaire. Ceci n’est pas l’affiche de la campagne présidentielle du prochain président de l’Ouganda. Elle représente Joseph Kony le chef de l’armée ougandaise dite de Résistance du seigneur. Vous avez certainement reconnu cette affiche, c’est celle de la campagne qu’a lancé une ONG américaine “Invisible Children” qui a réalisé cette vidéo, vue par plus de 100 millions d’internautes dans le monde et qui a fait le tour des des télévisions diffusées par satellite de la planète. Il y a un problème: la réalisation de ce film à destination d’Internautes du monde entier n’est pas l’oeuvre d’un africain, mais celle de Jason Russell, un jeune américain qui vit dans les faubourgs de San Diego en Californie. Beaucoup se sont demandés : “mais comment cette vidéo, longue au demeurant, et donc a priori pas adapté au format traditionnel des vidéos à succès, a-t-elle pu battre tous les records de l’histoire d’Internet. Une étude intéressante révèle une information capitale : contrairement à ce que l’on a cru, ce ne sont pas simplement les tweets d’Oprah Winfrey, d’Ellen de Generes et autres stars qui ont déclenché la frénésie. Mais Invisible Children s’est en fait appuyé sur un réseau préexistant de jeunes militants, principalement originaires du sud des USA, et chrétiens évangélistes comme Jason Russell. IC a travaillé son réseau pendant les 4 années qui ont précédé le lancement de la vidéo Kony 2012 : et c’est parce que chacun des individus de ce réseau a envoyé un, voire plusieurs tweets à des célébrités identifiés le jour où la vidéo a été pubiée sur Youtube que ces dernières après l’avoir visionnée, ont posté un “Tweet” indiquant qu’elles étaient choquées.

La vidéo a causé de vives réactions en ligne, et comble du malheur quelques jours après le succès de son court-métrage, Jason Russell a été arrêté pour ivresse publique et atteinte à la pudeur, comme vous le voyez sur cette vidéo. Comme l’a dit une connaissance sur le réseau social Twitter, il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des marabouts africains.

Plus sérieusement, ce qui m’a le plus frappé, c’est la risposte rapidement organisée par la communauté Sud et Est Africaine, plutôt anglophone : les premiers à avoir pointé les limites de la campagne vidéo d’Invisible Children sont des éthiopiens, des kényans, des nigérians. Mais surtout des ougandais, réunis autour de certains blogueurs influents comme Rosebell Kagumire, qui vit à Kampala et a travaillé dans le Nord où Kony sévissait ; ou encore Timothy Ruge, co-fondateur de Project Diaspora, une organisation dont le but est de mobiliser la diaspora africaine pour le développement du continent. C’est finalement grâce à cette communauté que nous avons pu prendre du recul par rapport à la vidéo : simplification à outrance d’un conflit complexe, perpétuation de l’image Épinal de l’africain qui attend d’être sauvé, au passage la vidéo oublie de nous spécifier que Kony a quitté le Nord de l’Ouganda depuis 2006, et surtout, grâce à cette communauté, nous apprenons que du pétrole a été récemment découvert en Ouganda. De quoi mettre les choses en perspective. Ces réactions ont inspiré la chaîne d’information Al Jazeera English qui a mis en ligne sur son site une page spéciale réservée aux réactions des ougandais sur la campagne d’Invisible Children.

L’affaire Kony est riche d’enseignements, et nous conduit à nous poser une question fondamentale : comment optimiser l’organisation digitale des jeunes camerounais autour des problèmes qui nous concernent ? Et comment transformer cette participation en une opportunité pour le Cameroun ?

Une partie de la réponse repose, selon moi, sur nos épaules, celle de la jeune diaspora. À mon sens, nous avons la lourde mais ô combien stimulante responsabilité d’être les ambassadeurs en ligne de nos pays. Or l’une des tâches d’un Ambassadeur, c’est d’assurer le “personal branding” de son pays.

1. Nous devons raconter notre Cameroun en ligne

Cette photo ne vous dit peut-être rien. Je vous rassure je n’aurais pas su qui c’était moi non plus avant de préparer ma présentation d’aujourd’hui. Il s’agit de Denis Diderot, le rédacteur de l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences et techniques. Ce qui est intéressant dans l’histoire de la naissance de ce projet c’est qu’il devait être à l’origine la traduction d’une autre encyclopédie, écrite par un anglais. L’encyclopédie de Diderot doit son originalité et certainement sa postérité au fait que Diderot et les autres traducteurs n’étaient pas d’accord avec les approximations faites sur les sujets qui concernaient directement la France. Précisons au passage qu’elle est tenue en partie pour responsable intellectuelle de la révolution française 15 ans plus tard.

Cette autre photo vous parle certainement plus (Jimmy Wales, fondateur de Wikipedia), Wikipédia est l’un des 6 sites les plus visités au monde. Jimmy Wales n’est pas un encyclopédiste au sens de Diderot. Il est le Gutemberg de l’encyclopédie de l’ère d’Internet. Il a fourni un outil libre, ouvert, sur lequel nous avons le devoir de devenir tous des encyclopédistes.

Voici la Page Wikipédia du Cameroun. En regardant les statistiques qui se rapportent aux éditeurs de chaque page, je me suis rendu compte tout d’abord du faible nombre de personnes qui sont répertoriées comme contributeurs. Parmi les 10 contributeurs les plus actifs 7 sont français ; et parmi les 4 premiers, qui ont édité 70% de la page, il y a 3 retraités français dont un alsacien qui vit au Cameroun.

Or Aujourd’hui lorsqu’un investisseur étranger ou un journaliste économique s’intéresse au Cameroun, il y a de fortes chances, avant qu’il n’approfondisse ses recherches, qu’il aille sur cette page (économie du Cameroun sur Wikipedia). Comme par hasard, le principal contributeur de cette page est le retraité alsacien dont je vous parlais tout à l’heure. Et il n y a donc rien d’étonnant à ce que la première rubrique qui apparaisse soit celle qui concerne le “Chômage”, avec d’ailleurs énormément d’approximations. Je vous parle de ceci parce qu’il va falloir que tous nos spécialistes, pas seulement en économie, se mettent à l’édition sur Wikipédia, elle est libre, simple, accessible, sinon d’autres personnes risquent encore de raconter notre histoire et de dire qui nous sommes à notre place.

Si nous effectuons le même type de recherche statistiques sur Wikipédia pour un autre pays, comme le Kenya par exemple, au niveau des contributeurs, de la qualité et de la précision du contenu, nous nous rendons compte qu’il est possible d’avoir une stratégie sur Wikipédia. (4000 contributeurs pour le Kenya, et quelques 600 pour le Cameroun)

Il devient nécessaire que nous racontions notre propre histoire que nous vivons actuellement, et cela d’autant plus que nous vivons un momentum historique.

2. Jeunesse + Augmentation accès Internet


Notre continent a l’avantage d’être le plus jeune au monde : l’âge médian y est de 17 ans. Au Cameroun, la moitié de la population a moins de 19 ans. Il faut ajouter à cela une autre information capitale pour le sujet qui nous intéresse. À l’image de cette vidéo où l’on voit le traffic aérien sur une journée dans le monde, une infographie Google Search montre que le continent entre dans le concert digital des nations. L’image ci-après peut être très différente dans 2 ou 3 années, elle montre une image du volume des recherches sur le moteur Google par langues. On voit en vert clair l’image des recherches en anglais et la grande tour bleue, c’est l’île de France.

L’Afrique est le continent aujourd’hui avec le plus fort taux de croissance de la pénétration d’Internet, sur le continent il est de 37%. Au Cameroun il Y a un an nous avions 4% de la population qui avait accès à Internet, ce taux a doublé en un an et nous sommes à 8% aujourd’hui. A l’horizon 2015, il est fort probable qu’au moins la moitié de la population aura accès par un moyen ou un autre au réseau mondial. Il y a 170 millions de francophone en Afrique et la moitié d’entre eux a moins de 20 ans. Cette carte pourrait donc être très différente d’ici 3 ans.

Nous vivons un momentum, celui du devoir de participation, du devoir du partage de l’information. Il nous faut sans relâche tisser notre toile par delà le Sahara, penser que chaque lien avec un internaute, ami, ancien camarade de classe, membre de notre famille au Cameroun ou avec un autre membre de la diaspora africaine francophone ou anglophone quand nous parlons cette langue, que chaque lien fort que nous créons en ligne fabrique la communauté puissante de demain. Partager le maximum d’information publique sur les réseaux sociaux.

3. Ce que nous pouvons réaliser en nous organisant sur Internet ...

- Prenons l’exemple d’une de ces questions qui m’a permis de comprendre que les problèmes des diasporas africaines étaient très souvent en intersection : la question du coût exorbitant des communications vers l’Afrique. Nous avons tous eu à acheter des cartes téléphoniques pour appeler “moins cher” (j’insiste sur les guillemets) au pays. Ou peut-être certains se sont-ils fait avoir comme moi sur leur première facture en appelant directement du fixe. Autant d’argent dépensé qui ne pourra pas être réinvesti. Mais lorsqu’on va en ligne, on se rend compte que ceux qui parlent le mieux actuellement de ce problème crucial sont les haïtiens : Des haïtiens de la diaspora se sont récemment insurgés contre une surtaxe des appels internationaux entrants dans leur pays. Ce modèle de surtaxe a été préconisé par un homme politique Haitien de premier plan dont la société a proposé ce modèle de surtaxe à tous les pays francophones africains. 0,225 dollars par minute de surtaxe du prix pour les appels qui passent par Voix Sur IP, autrement dit, indirectement par le réseau Internet. Cette surtaxe est à peu de chose près le prix que nous payons quand nous avons appelons à Dakar, à Ouagadougou ou à Sangmélima. En nous organisant sur Internet comme l’a fait la diaspora Haitienne, nous pourrons peut être obtenir plus de transparence sur cette question et savoir si oui ou non, nos diasporas ont financé indirectement la dernière élection présidentielle Haïtienne.

- Autre problème, sur lequel je travaille actuellement : celui du défaut d’électricité. Le manque d’électricité affecte nos proches sur place. Et même nous, en décidant d’aller investir au Cameroun, en plus des risques économiques traditionnels liés à l'entrepreneuriat, nous devons également anticiper sur le risque énergétique. Problème : aujourd’hui aucune donnée exacte, fiable n’est disponible sur le coût du défaut d’électricité sur la collectivité camerounaise. En partenariat avec des ingénieurs camerounais, et européens, nous sommes en train de construire la plateforme Feowl qui sera déployée dans un premier temps à Douala, et aidera à apporter des réponses non seulement aux consommateurs sur le risque énergétique encouru pour leurs appareils électroménagers ou leur business ; mais également aux autorités responsables qui auront ainsi des données précises sur les besoin d’une mégalopole africaine de taille moyenne comme Douala.

Et surtout sans électricité à Douala, tout ce que je viens de vous exposer ne sert à rien.

Conclusion :

Pourquoi parler de micro-influence : car ce sont finalement nos petits gestes, nos micro interactions, et surtout notre organisation qui nous permettront d’impacter plus largement nos environnements.

Je lisais hier ceci sur la page Facebook d'un ami:

“L'heure de l'Afrique a sonné. (...) C'est le temps de l'afro-réalisme qui doit préparer l'afro-optimisme.”
L’afro-réalisme c’est être conscient de toutes les données relatives aux potentialités de notre continent, en tirant avantage de la possibilité que nous offre Internet d’être en réseau avec le monde africain francophone et anglophone et d’avoir accès à l’information. Nous devons nous servir de tous ces leviers pour construire stratégiquement le futur. Ne perdons jamais de vu que le continent c’est un milliard de consommateurs potentiels, et nous devons, cette fois, être les premiers à en profiter.

Merci

1 commentaire:

  1. Oh, Julie,
    Très interessant ton expo! C'est quelque chose qu'on doit faire, nous même, sans attendre une intervention venant de dehors. C'est aussi vraie que dans cette conquete de l' internet, la jeunesse africaine vivant dans le continent est en situation défavorable, car l'access est assez insufisante, ou encore difficile. Ce será un gran projet parfait pour les étudiants universitaires de nos pays et biensure, pour nous autres depuis la diaspora.
    Inspiring!

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